Guy Paul Chauder
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"...Manda a Zinefrica"
ou l'ailleurs de Guy-Paul Chauder

(extrait)

Nous connaissions de Chauder les parchemins de ses voiles sans cesse ravaudées, creusées, recouvertes, rapiécées. Ces toiles où il s'est joué de la couture, dans un dialogue toujours nouveau avec cette ligne qui traverse le socle-sol de ses œuvres. Nous connaissions ses palimpsestes où des transparences opaques et hantées révélaient toute l'énergie enfermée dans le cadre. Le feu et la force, l'incandescence et le mouvement de ses rouges. Mais aussi la densité inouïe d'une histoire-sédiment qui dépose, qui précipite, encore et encore, dans ses gris, dans ses terres brûlées, jusqu'au noir.

Depuis longtemps déjà - depuis toujours ? - Chauder travaille sur la trace. La superposition des traces. Les traces aussi comme signes d'écriture. Si ces calligraphies, dans leur rapport à la vérité, nous restent souvent étrangères, qu'importe ! Elles invitent à la contemplation et nous ouvrent sur les abîmes de ses bleus. L'écriture redevenue image est comme une pensée plastique. Une pensée rêveuse qui traverse l'espace du tableau tel un zéphir qui se serait incarné.

 

Anne Meistersheim

 

Note sur Chauder

Guy-Paul Chauder qui ne rappelle pas être né quelque part, a abordé nos rivages, il y a vingt ans. La Corse le fixe, avec sa peinture et dès lors, il sait totalement où il est, car il y trouve et il y vit, de manière sensitive, charnelle, cette alchimie impalpable mais prégnante de la terre et des hommes, de leur culture, passeport permanent vers d'autres horizons, d'autres sociétés qui se fondent et se régénèrent dans le creuset de l'humanité.

La pierre, dans son expression tellurique et cosmique, le fascine; il s'imprègne de cette matière, peint, cherche, tâtonne, améliore; est-il attiré par sa solidité, son immuabilité qui en fait les socles? Cherche-t-il des racines dans cette terre de pierres qui plonge dans la méditerranée et, par le canal de cette médiatrice incomparable, le lien à l'universel? Ou bien tout simplement roule-t-il avec la Pierre vers la "Zinefrica", cette région imaginaire, cette vallée inconnue que l'on retrouve dans d'autres régions de Corse ou d'ailleurs ou mieux, de nulle part; régions sans limites, sans codes où l'homme se meut sans contraintes, dans ce lieu immatériel, éthéré, propice à l'échange, à l'osmose, à la liberté de la pensée, infinie, sans bornes ?

Exigeant, excessif mais tolérant, loin des conformismes et des corruptions, il nous apporte, en partage dans cette île des sorciers (I mazzeri) et des pratiques medico-magiques (l'ochju), la force de ses bruns-rouges, de ses gris, de ses bleus, dans des compositions essentiellement harmonieuses, apaisantes. Ce mélange de douceur et de lueur de feu est le témoin du métissage fécond de son être et de son art. Ses cylindres, ses rouleaux, ses signes cabalistiques, ses évocations de parchemin, mêlés à la symphonie éblouissante des vitraux, traduisent à la fois l'élixir de l'apaisement et l'anxiété du questionnement. Mystère inaccessible de la création de l'œuvre, éphémère, labile parce qu'humaine, avec laquelle nous cheminons, en compagnie de Chauder, émus et solidaires

 

Dr Edmond Simeoni

 

"A Zinefrica"
(extrait)

Les italiens t'appellent bien malmignatta, au féminin par parenthèse, et te font porter étymologiquement sur le dos ton mal et ta couleur (male miniata), tarentule démoniaque tachetée (de treize gouttes de feu) ou bien encore sangsue (mignatta) avide de rouge sang...

Mais la charge symbolique du portrait est très savante pour émouvoir des enfants joueurs. Quant aux mots porteurs d'images, ne sont-ils pas créés justement pour être apprivoisés, amadoués par eux? Si proches soient-ils par le signifiant, notre malmignattulu et la malmignatta de nos voisins ne semblent pas avoir évoqué chez nous les mêmes frayeurs primitives.

Avec a zinefra, a zinefrica, en revanche, on changeait incontestablement de registre, on abordait un pays imaginaire et redouté qu'on ne connaissait que fort mal et souvent par simple ouï-dire. J'emploie le passé parce que je parle bien entendu d'une époque où nos plaines n'étaient pas des lieux de séjour et de villégiature qu'ils sont devenus, mais ces étendues hostiles infestées de malaria, peu habitées de manière permanente, où les montagnards ne se risquaient que temporairement pour les travaux indispensables: ainsi n'était-il guère étonnant qu'ils n'éprouvassent que peu de sympathie pour des terres liées pour eux aux pénibles labeurs et aux réels dangers, plutôt qu'aux réjouissances et aux loisirs.

C'est bien pourquoi "manda in zinefrica" signifie "envoyer au diable" c'est à dire vers quelque pays aussi lointain qu'inconnu: confusion évidente entre la bête et le lieu qu'elle est supposée habiter. Lieu pas très catholique sans doute, si zinefra évoque comme pour des Génois la très protestante et calviniste Ginevral Zinevra, lieu menaçant et redouté également si le terme zinefrica incorpore dans ses sonorités une lointaine et sombre Africa.

 

Jacques Fusina

 

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